[réponse à notre « SPAM » du 4 février
2013, reçue le 5 février 2013]
« Monsieur,
J’ai bien reçu votre mail me faisant part de votre
souhait de soumettre plus systématiquement au référendum les décisions
politiques et notamment les sujets de société comme le mariage pour tous.
Afin de justifier de la constitutionnalité d’un tel
référendum, l’opposition évoque la mention des questions « sociales » parmi
les sujets pouvant faire l’objet d’une consultation populaire d’après
l’article 11 de la Constitution française. Toutefois, le champ référendaire
se limite en réalité aux matières économiques, sociales et
environnementales (pauvreté, lutte contre l’exclusion), et ne concerne pas
les débats de société. A l’inverse, lorsque des centaines de milliers de
personnes manifestaient contre la réforme des retraites en 2010, le
Gouvernement aurait pu soumettre le projet à référendum, ce qu’il a refusé
de faire.
La garde des Sceaux, Christine Taubira, a rappelé
l’intention du législateur lors de la réforme constitutionnelle de 1995,
qui était de limiter le champ référendaire justement pour « exclure (…) ce
qu’il est convenu d’appeler les questions de société », selon les mots de
Jacques Toubon qui était alors ministre de la justice. Christiane Taubira
le cite : « il doit donc être clair qu’il ne saurait y avoir de référendum
sur des sujets tels que la peine de mort, la repénalisation de l’avortement
ou sur l’expulsion des immigrants clandestins, le référendum n’étant pas –
et ne devant pas être – un instrument de démagogie ».
Les travaux de la commission Balladur ont confirmé
cette position, en 2008..
Désormais, le « Parlement ne serait pas légitime»
selon l’opposition. Il s’agit d’une conception aussi surprenante, venant de
républicains, que dangereuse, tant elle nourrit l’antiparlementarisme.
Les députés sont l’incarnation de la Nation réunie.
Le Parlement est l’instance délibérative de nos institutions. Il organise
le débat, avec de nombreuses auditions, avant que soit procédé à l’examen
du texte en lui-même. Cette procédure est l’essence même de notre démocratie
représentative et la raison d’être du Parlement. Elle permet
l’expression de tous les points de vue.
Le vrai référendum, c’est l’élection présidentielle
du 6 mai 2012.
Ce projet de loi est la concrétisation de
l’engagement 31 du président de la République :« j’ouvrirai le droit au
mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. » Ce programme,
connu et largement diffusé, a été accepté par les Français qui ont porté
François Hollande à la présidence de la République le 6 mai dernier.
Ce choix a été confirmé en juin dernier, lorsque les
Français ont donné une majorité parlementaire au président nouvellement
élu. Si l’élection présidentielle permet de désigner un dirigeant, elle
acte aussi une ligne politique.
Je vous prie de croire, Monsieur, à l’assurance de ma
considération distinguée. »
Ma réponse envoyée le 15 février : (écrite à
la première personne du singulier puisque ce courrier m’a été adressé
personnellement. Les autres personnes ayant participé à cette opération et
qui ont obtenu la même réponse peuvent réagir aussi, si elles le
souhaitent)
Cher Monsieur,
Je vous remercie d’avoir bien voulu prendre la peine
de répondre à ma sollicitation concernant le référendum d’initiative
populaire.
Je ne souhaite pas entrer dans le débat sur le
mariage pour tous, que j’avais simplement cité parmi d’autres exemples de
questions litigieuses qui pourraient être réglées par un référendum. De
même, je ne remets nullement en question la légitimité du Président de la
République ni de sa majorité parlementaire.
Je voulais simplement attirer votre attention sur
l’intérêt qu’il y aurait à instituer le référendum d’initiative populaire
en France. Il permettrait de résoudre les conflits de manière
« civilisée », sans qu’il soit nécessaire d’organiser des
manifestations de masse dans les rues de nos villes, avec tous les risques
de dérapage que cela implique. Le référendum d’initiative populaire permet
un exercice apaisé de la démocratie, comme les exemples des pays voisins
qui en bénéficient le démontrent amplement.
Concernant l’argumentaire que vous développez dans
votre mail, j’aimerais faire les observations suivantes :
1) Le
référendum d’initiative populaire n’existe pas dans notre pays. L’article
11 auquel vous faites allusion n’est pas applicable puisque la loi
organique n’a pas encore été votée près de cinq ans après la réforme
constitutionnelle, et de toutes façons, il est d’initiative parlementaire
(avec le soutien de 10 % des électeurs inscrits, soit 4,6 millions de
personnes, qui devraient signer une pétition dans un délai de trois mois !!!).
Pour finir, il suffit que le parlement accepte d’examiner la proposition de
loi pour qu’elle ne soit pas soumise à référendum. Donc il est impossible
de parler de référendum d’initiative populaire concernant cette réforme de
l’article 11.
2) Prétendre
que l’élection présidentielle du 6 mai 2012 ou les législatives qui ont suivi
en juin ont valeur de référendum est pour le moins un abus de langage et
une bien curieuse conception de la démocratie ! Ils procèdent de deux
logiques aussi différentes que peuvent l’être la démocratie directe et
la démocratie représentative : élire un président ou un député sur la
base d’un programme d’ensemble ne signifie pas que l’on adhère à tous les
points de ce programme, mais qu’on le trouve globalement meilleur que celui
proposé par le parti adverse. De plus l’interdiction du mandat impératif
par notre Constitution implique que l’élu n’est nullement tenu par ses
promesses de campagne, qui « n’engagent que ceux qui y croient »
comme chacun sait…
3) Le
référendum d’initiative citoyenne est l’instrument de la souveraineté du
peuple, et celle-ci ne doit pas être bornée. Ainsi, aucun domaine ne doit
échapper au champ du référendum d’initiative populaire et il faut oublier
la réforme de l’article 11, trop restrictive. Votre crainte de le voir
utilisé à des fins démagogiques, comme par exemple pour rétablir la peine
de mort, n’est pas fondée, et l’expérience des pays qui disposent de cet
outil de démocratie directe confirme mes dires : aux Etats-Unis,
l’Oregon a même aboli dès 1914 la peine de mort par un référendum
d’initiative populaire, et c’est par un vote du parlement qu’elle fut
rétablie en 1920 ! En Suisse, la peine de mort a également été abolie
dès 1935. En 2010, une initiative citoyenne pour le rétablissement de la
peine de mort a été lancée : elle a suscité un tel tollé dans l’opinion
publique et dans la classe politique que ses initiateurs l’ont retirée. La
démagogie et le populisme ne sont pas l’apanage des pays jouissant du
référendum d’initiative populaire : ils sont même plus dangereux dans
les systèmes exclusivement représentatifs, puisque jamais dans l’histoire
une dictature fasciste n’a été instaurée dans un pays doté du référendum
d’initiative populaire.
Je vous invite donc à reconsidérer votre position sur
ce sujet. Il est vrai qu’en ce moment (et jusqu’en 2017) le R.I.P. pourrait
vous gêner (bien que sur la question du mariage pour tous auquel les
Français sont majoritairement favorables, et je le suis aussi, un
référendum n’aurait fait, à mon avis, que clouer le bec aux opposants à
cette réforme), mais lorsque vous serez à nouveau dans l’opposition, cet
outil démocratique pourrait vous permettre d’empêcher la droite de saccager
ce qui reste de nos acquis sociaux (et aurait pu en 2010 si nous en avions
disposé, comme vous l’avez fort justement fait remarquer à propos de la
réforme des retraites).
Pour approfondir votre réflexion sur le sujet, je me
permets de vous conseiller l’ouvrage de J. Verhulst et A. Nijeboer
disponible sur internet en suivant ce lien : http://www.workforall.org/drupal/files/verhulst-nijeboer-direct-democracy-fr.pdf
(en particulier le chapitre sur le modèle suisse, p.
50 à 55, et celui sur la réfutation des arguments opposés à la démocratie
directe, p. 72 à 87).
Je milite, avec l’association « Article
3 », pour l’inscription du principe du référendum d’initiative
populaire dans l’article 3 de la Constitution. Quant aux modalités, il
appartiendra au législateur de les définir dans une loi organique. Voici la
réécriture de l’article 3 que propose notre association : (les
modifications sont en majuscules)
"La souveraineté nationale appartient au peuple
qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum
D’INITIATIVE CITOYENNE, EN TOUTES MATIÈRES ET NOTAMMENT CONSTITUTIONNELLE
ET DE RATIFICATION DES TRAITES. CET ARTICLE NE PEUT ÊTRE MODIFIE QUE PAR
VOIE RÉFÉRENDAIRE.
Pouvons-nous compter sur vous pour soutenir notre
proposition de modification constitutionnelle ?
Dans l’attente de votre réponse, je vous prie de
recevoir, Monsieur le Député, l’expression de mes salutations citoyennes.
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